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Lors d’un vol rando hivernal dans le luchonais, le pilote n’arrive pas à décoller et doit descendre avec l’hélicoptère du PGHM

Gravité :0
Pilote : expérimenté (Qbi), voile B+
Conditions météo : très calme, léger catabatique au déco

Ce qu’a vécu le pilote

« Nous entamons la montée à 4 TDS vers 9h30 pour l’ascension du Tuc du plan de la Serre. Conformément aux prévisions  il y a un grand ciel bleu et pas de vent. Ces conditions très calmes me semblent parfaites pour un vol de reprise.  Je suis parmi les parapentistes plus expérimentés de l’équipe.
Par contre, j’ai certainement moins d’expérience et d’entrainement que mes compagnons pour les randonnées en conditions hivernales en haute montagne, c’est la première fois que je fais cette randonnée, mais deux des membres du groupe connaissent bien le terrain. Dans la montée de 1200 D+, nous rencontrons de plus en plus de neige plus ou moins verglacée et non tracée. De plus en plus de passages difficiles, en pente, dans lesquels je m’enfonce parfois jusqu’aux genoux malgré les raquettes.  Cela ralentit notre progression, surtout la mienne, et sur la fin je me laisse distancer par mes camarades, qui décident, vu l’enneigement, de ne pas monter jusqu’au sommet, mais de s’arrêter sur le plan à la première zone décollable. J’y arrive vers 14h, exténué par cet effort. Mes camarades sont déjà en train de préparer le matériel de vol. Les conditions sont toujours très calmes, mais il y a un très léger catabatique. J’ai besoin de reprendre des forces et de manger avant de voler, je décide donc de laisser partir mes compagnons. Le déco est très grand, mais bien enneigé. Ils arrivent tous à décoller, au moins à la deuxième tentative. Je suis confiant que je vais y arriver aussi.  Mais lorsque je m’y essaye, j’échoue à plusieurs reprises.

Sans doute à cause de la fatigue et de la difficulté à courir dans la neige, je n’arrive pas à donner la puissance nécessaire pour contrer le catabatique et faire monter la voile rapidement.  Je finis par m’entraver et tomber dans la neige avant que l’aile n’ait acquis suffisamment de portance.  À chaque tentative, je dois remonter l’aile en bouchon dans la neige. Sortir de ma sellette pour démêler les suspentes, étaler l’aile, refaire la prévol. Cette préparation est rendue difficile par les blocs de neige semi-glacée auxquels s’accrochent et s’emmêlent continuellement les suspentes. Chaque essai de décollage me prend donc beaucoup de temps et d’énergie physique et mentale. Malgré tout je m’obstine à vouloir décoller. À ce stade, l’option de descendre à pied ne vient pas vraiment à l’esprit, ça semble compliqué à cause de la neige et je suis fatigué, mais surtout, j’ai vu mes camarades  décoller (dont un qui n’a que 20 vols !), il me suffit de faire pareil pour aller les rejoindre sans effort…

Par ailleurs, à cause de la difficulté de se déplacer dans la neige, la possibilité d’explorer la zone pour essayer de trouver un terrain de décollage ayant une aérologie plus favorable n’est pas envisagée. 

Je reste en contact radio et téléphone régulier avec le groupe qui a posé à l’aérodrome de Luchon. Après 5 ou 6 tentatives, vers 16h40, ils m’annoncent qu’ils ont prévenu les secours et que le PGHM va me contacter. Un secouriste m’appelle vers 17h pour faire le point sur ma situation, il me reproche (avec raison) de ne pas avoir anticipé la descente à pieds plus tôt, je lui dis que je suis prêt à redescendre à pied si nécessaire.  Cependant vu mon état de fatigue, la difficulté du terrain, et la tombée prochaine de la nuit (je n’ai pas de lampe), il juge cela dangereux et nous prenons finalement la décision de confirmer le retour en hélico.  J’emballe rapidement mon matériel en attendant leur arrivée environ une demi-heure plus tard. Ils me déposeront à l’atterro de de Luchon un peu avant 18h. »

 

Ce qu’ont vécu les copains au sol 

Un pilote expérimenté décolle en premier pour faire le fusible et ouvrir les airs au second pilote débutant. Étant de la région, le troisième pilote propose de décoller en dernier. Le 4ème pilote n’étant pas prêt et étant le plus expérimenté, il propose de fermer la marche. Le 3ème pilote décolle donc vers 14h30.

À 16h, le 3ème pilote annonce au 4ème pilote qu’il doit soit décoller soit descendre. Par anticipation, le 3ème pilote contacte en parallèle un ami du PGHM pour discuter de la situation et des solutions à envisager. Les secours connaissent donc la position exacte du 4ème pilote et sont prêts à intervenir si besoin. Afin d’éviter un secours après la nuit, un ultimatum est donc donné au 4ème pilote : à 17h, soit il a décollé, soit les secours seront déclenchés.

Les secours seront déclenchés. 

 

Pistes de réflexion

(basée notamment sur les analyses partagées par les pilotes présents)

  • Quand vous préparez votre rando-vol (plan A), établissez-vous un plan B (si ça ne décolle pas, etc.) ?
  • Quels sont vos critères (préétablis) de renoncement ?

« Plus on tente, plus on a de chances de réussir » est typique du « piège abscons ». Pour en sortir, Jean-Léon Beauvois et Jean-Pierre Joule conseillent dans leur livre Traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens (1972), de se donner (et de respecter) une limite aux nombres de tentatives et/ou au temps que l’on va passer à tenter. Pour une discussion sur les biais cognitifs appliquée au parapente, voir par exemple le direct 2 du RASMO 2020 (https://www.youtube.com/watch?v=jglPQSUV-wE )

  • Si vous êtes capables de faire une rando de 1200m D+ en été, combien de D+ êtes-vous capables de faire en vous enfonçant dans la neige à chaque pas en hiver ? La rando est-elle adaptée à votre expérience de l’environnement neigeux de montagne ?
  • Avez-vous toujours votre radio, même pour un vol rando balistique ?
  • Connaissez-vous votre point de non-retour, c’est-à-dire le moment à partir duquel vous n’aurez pas « le jus » pour redescendre à pied si ça ne décolle pas, ou plus le « jus » pour décoller et voler serein ? Si vous dépassez votre point de non-retour pour la descente à pieds, êtes-vous certain à 100% de pouvoir décoller? (Si on n’a plus l’énergie pour redescendre à pied, l’avons-nous vraiment pour faire un vol en restant alertes ?)
  • Travaillez-vous en pente-école les décos dans les conditions que vous allez retrouver en vol-rando ? (dos voile, vent de dos, vent fort, de travers, pente faible etc.) ?
  • Dans le cadre d’une sortie proposée sur la liste, nous volons tous sous notre propre responsabilité, au même titre que si nous volions seuls. Par conséquent, connaissez-vous l’itinéraire, le vol, la météo du jour, la réglementation aérienne locale aussi bien que si alliez voler seul en autonomie (quitte à se renseigner en amont auprès de ceux du groupe qui connaissent)?
  • Pour nous aider à approfondir notre connaissance de nous-mêmes en tant que pilote: https://forms.gle/agf82j1FruQGvoNF7