DATE ET HEURE (UTC) DE L’EVENEMENT : 24 Mars 2021
Dommages corporels (oui/non, lesquels. Interruption temporaire de travail) ? :  non
Dommages matériels (oui/non, lesquels) ? : suspentes cassées
Le pilote a du faire une déclaration auprès de la FFVL ? (oui/non): oui


Niveau du pilote : Heures de vol par an en moyenne ? années de pratique ? quel brevet ? :
Très expérimenté (compétiteur), 19ans de pratique, ~100h de vol/an

Volume de pratique dans les 30 jours précédents l’incident ? (heures de vol et de gonflage) ;  avec le même matériel ? :

Type de vol (ex : Solo, Bi, etc.) :
solo

Phase du vol (ex : Prévol, Décollage, vol, Approche, Atterrissage, etc.) :
vol

Lieu (ex : sur site (lequel), en cross, plaine, montagne, etc.) :
Montagne (face sud de Cornudère)

Type de déclarant (ex : Pilote, témoin au sol, etc.) :
Pilote + AS qui synthétise les témoignages

Type de matériel (ex : voile A révisée ou non, année, sellette cocon, etc) :
Voile CCC (Enzo 3) + cocon (sellette XR7) + 2 parachutes de secours

Nombre et type de personnes concernées :
(ex : 1 pilote + passager, 2 pilotes, etc.)
1 pilote

Environnement (ex : obstacles, densité de voiles, nature du sol, etc.) :

Arbrissage forêt

 

Météo & aérologie (ex : vent fort, conditions thermiques, orientation du vent, etc.) :

« conditions toniques, basse couche désagréable mais conditions exploitables » 

Vent annoncé : Nord 10-15km/h


Description chronologique des faits par le pilote :

J'arrive au décollage à12h45. Mes copains sont déja en l'air, j'ai du retard. Je me prépare, vite mais bien, 13h11 décollage.

Je sors du décollage et j'attrape directement un thermique qui me monte à 1600m. Pendant les derniers tours du thermique je vois un planeur se faire satelliser en face sud de cornudère. Et je vois une voile prendre du thermique dans cette zone. Je n'ai  pas énormément dérivé dans ce premier thermique, je pense que le vent de Nord reste faible. Je suis pressé de les rattraper.

Je décide de filer face sud de cornudère pour prendre un gros thermique qui va me monter vite haut et rattraper mes copains.

Je passe 50m au dessus de l'arrête. C'est très peu, mais ca va, ca passe !

Une fois l'arrête passé, je suis dans une forte descendance, le demi tour n'est plus possible après quelques secondes seulement. Je descends le long de la pente comme un parachutiste.

Mon aile touche un thermique fort, l'aile cabre, fermeture 20% à droite. Je suis presque en parachutale, je fais un tour à droite pour sortir la cravate et repartir en vol droit, j'ai perdu 30m dans l'affaire. je suis à 25m sol.

Analyse rapide: c'est une zone merdique et turbulente, je me tire d'ici vite fait.

Mais après 50m en ligne droite a peine, je rentre dans une nouvelle forte turbulence, je suis alors à 60m sol. Forte descendance, effet bagnard, mise en parachutale, et l'aile ferme, je n'hésite pas une seconde je tire le secours.

Un instant plus tard, j'arrive dans les arbres, toujours en parachutale. Et mon aile et mon secours s'accrochent dans les branches du haut de l'arbre. Le temps s'arrête.

Je vais bien. Je suis perché à 9m au dessus du sol, mais tout va bien. Tout s'est presque passé en douceur jusqu'à la phase parachutale n'a pas eu un taux de chute très élevé, et je ne suis pas entré en rotation.

Ma voile est en boule et pas vraiment répartie sur un grand nombre de branches --> c'est fragile !

Je suis trop loin des troncs pour utiliser mon kit arbrissage et me sécuriser. Il va falloir attendre.

Je suis finalement dans une position qui n'est pas si inconfortable.

Je passe un appel en radio FFVL pour rassurer tout le monde: "tout va bien". Je veux surtout que les pilotes ne prennent pas de risques pour venir dans ma zone.

J'entends des personnes (randonneurs) arriver auprès de moi. Et un groupe de pilote qui était au déco de cornudère arrive également en renfort grâce à un guidage radio. Finalement 7 généreuses personnes sont venues auprès de moi (au pied de l'arbre).

L'un d'eux appelle les secours pour venir me sortir de là, il n'y a pas de bobo mais il faudra du matériel pour me descendre de là-haut.

J'appelle aussi un compagnon de vol et mes parents pour rassurer tout le monde sur ma situation. Etant donné que je suis suivi en livetracking XC Track, je voulais éviter qu'ils ne s'inquiètent.

5min plus tard, la branche casse d'un coup sec. La voile en boule ne me freine pas (ou très peu), je me retrouve au sol 9m plus bas. Roulé boulé dans la pente. Le choc est violent mais je tombe les pieds en avant, et mon roulé boulé amortit bien. Je suis sous le choc, mais je n'ai mal nulle part ! incroyable

La sellette de compétition et mon casque m'ont bien protégé !

Par précaution je ne bougerai pas jusqu'à l'arrivée des secours et un check à l'hôpital où finalement tout est OK.

Je rentre le soir même chez moi, sur mes deux jambes, sans rien, même pas un bleu. Assez incroyable que cela puisse paraître. 

Analyse extérieure :

- les gens qui étaient sur la crête de Cornudère m'ont annoncé que l'échange plaine montagne était bien en place ce jour là -> 15kmh de Nord sur la crête. Parfois des rafales plus fortes dans le venturi. Ce qui explique les fortes turbulences. Je n'ai pas pris le temps de faire cette analyse avant de me jeter face sud. Le seul thermique que j'ai enroulé n'a pas énormément dérivé, et je n'ai pas regardé les autres éléments objectifs extérieurs avant de prendre cette décision. J’ai été trompé par mon analyse qui a été précipitée 

- la voile que j'imaginais sur la face sud était en fait sur l 'arrête, et c'est la parallaxe qui m'a fait penser qu'elle était sur la face sud

Ces éléments démontrent qu'un peu plus d'analyse de la masse d'air m'aurait permis de faire un autre choix.


Analyse des causes :

Cet accident est une pure conséquence d'une erreur de placement, un mauvais choix. Cette erreur est déterminante et elle est aussi une conséquence de plusieurs petits facteurs.

Arrivé au déco en retard, je suis pressé de voler, et de voler vite --> envie d'aller sur la face sud pour monter vite et haut. --> il faut savoir accepter de voler en décalage avec les copains

Après seulement un thermique et 15min de vol je  prends la décision d'aller me placer sur la face sud. l'analyse des conditions est trop courte. Le seul thermique que j'ai pris n'est pas représentatif de la masse d'air ce jour-là. Si j'avais pris plus mon temps j'aurai identifié un vent de Nord marqué, et je ne serai pas allé face sud.

Je vais dans une zone que je sais turbulente. mais avec l'idée que je sais gérer ce genre de turbulences. Je sais les gérer, oui certainement, mais pas au ras du sol --> lien avec le choix de sauter l'arrête avec très peu de gaz sous les pieds. L’erreur est donc double, c'est d'y aller, et d'y aller en étant bas.

J'avais fais un vol au mois de février en volant 100% du vol sur cette face sud. Ceci m'a trompé. Cette face sud peut être fréquentable certains jours, mais pas d'autres.

C'était mon vol de reprise avec l'aile de compétition. Je n'avais pas volé avec depuis plusieurs mois. L'hiver je vole en biplace ou avec une zeolite GT, aile plus simple à piloter. Pour un vol de reprise, j'aurai dû rester dans un schéma de vol plus classique dans le bocal.

Dans la suite, j'analyse très vite que la zone est pourrie. Grosse concentration.

Lorsque je prends le deuxième vrac, j'analyse immédiatement que je ne pourrais rien faire --> secours . Je trouve la poignée (grâce à de nombreux exercices de poignée témoin) et je réalise le geste correctement.

Je suis persuadé que la gestion a été bonne, et qu'il n'y avait pas grand chose de mieux à faire, même avec une autre voile.

Ca sera le positif à garder !


Ce qu'il faut retenir : GESTION INCIDENT

- tirer le secours sans attendre dès que l'on est proche du sol, ou que l'on identifie que l'incident est trop important pour réussir à remettre l'aile en vol rapidement 

- c'est une erreur de communiquer autour de nous que tout est OK si vous n'êtes pas encore 100% OK, au sol et sécurisé. Si je m'étais blessé en chutant de l'arbre, des secours auraient pu arriver bien plus tard en pensant que tout était OK.  

- l'exercice de poignée témoin doit être pratiqué régulièrement, pourquoi pas à chaque vol !

 

Ce qu'il faut retenir : MATERIEL

- une radio avec fréquence FFVL c'est très utile

- un suivi en livetracking peut vous sauver et vous aider à être localisé

- il faut avoir un kit arbrissage ACCESSIBLE. C'était mon cas, même si je n'ai pas pu m'en servir cette fois.

 

Lien vers une courte vidéo qui présente la situation dans l'arbre : 

https://youtu.be/5e9YDKYZosM

Aujourd'hui je suis en pleine reconstruction mentale. J'ai eu la chance de ne pas me blesser, et d'avoir du matériel de marche et vol pour revoler rapidement et régulièrement après l'accident. Mais je suis encore aujourd'hui en reconstruction et je vais mettre un certain temps avant de revoler "comme avant".
J'ai fait un stage SIV et je travaille avec un préparateur mental, dans ma démarche. 

Ce n'est pas anodin, et en parapente il se passe beaucoup de choses dans la tête.  

Pour finir, il faut se souvenir qu’en parapente toute décision peut avoir de graves impacts. Il ne faut pas en prendre une à la légère. Il vaut mieux se poser la question 10 sec de plus et prendre la bonne décision.

Dans mon cas, l'erreur majeure est une erreur de choix et de placement, même si encore une fois, une multitude de petits paramètres vient se greffer à tout cela, dans la cause et la conséquence !


PISTE DE REFLEXION


Elles résultent en partie des témoignages et des questions posées par les pilotes témoins et/ou qui sont venus en aide. Vous pouvez les retrouver sur la liste de diffusion des TDS sous le sujet « Retour du mercredi à Arbas » (autour du 24/03/2021)

  • Comment éviter ce type d’accident ?
    • Ce n’est pas un cas isolé : un TDS raconte son rodéo après avoir raté le thermique en face sud de Cornu et avoir terminé son vol sous l’échange plaine-montagne. Un autre témoignage se trouve après. Faites-vous bien la différence entre abrité du vent et sous le vent ?
  • Faire secours

 

  • Relai radio entre les secours et les pilotes en vol
    • Quand un pilote se porte volontaire pour faire le relai radio, il se sent responsable (moralement, même s’il n’a a priori aucune responsabilité légale). Cela ajoute du stress. Ici aussi donc, sans préparation, on est un peu démuni.
    • Un des objectifs du relai radio est de fournir aux pilotes en vol l’information de trajectoire de l’hélicoptère (d’où il vient, où il va, par où il passe) afin d’éviter le suraccident. A part demande explicite des secouristes, chaque pilote est responsable de son plan de vol… mais aussi du respect des règles ! Pour rappel :






    • Un témoignage sur le fil de discussion du 25/03/2021 nous rappelle ce que l’on encourt à ne pas respecter ces règles.
    • Le suraccident concerne une collision avec l’hélicoptère, mais aussi avec d’autres voiles (si tout le monde va se poser en même temps par exemple). Dans le respect des règles, le comportement à choisir est probablement à adapter à la situation du moment.

Face sud cornu : ça dégueule, et le pilote doit se vacher.

Gravité : 0

Pilote : voile B

Voici le retour du pilote :

 Après avoir fait le tour du bocal, envie d'explorer un peu plus. Et passé 14h, je me dis que les faces Sud de Cornudère doivent donner.

 Comme j'arrive par au-dessus, en ayant pris du gaz avec le thermique du parking de la Fontaine de L'Ours, j'établis le plan de vol suivant :

 - je vais voir ce que ça donne

 - si ça ne donne rien, j'ai toujours (ah ah !) l'option de contourner, et ressortir par le col en tournant à gauche comme on fait pour revenir dans le bocal après un déco face Sud

Je m'approche, et d'un coup, très vite, je me fais dégueuler. Mais pas dégueuler turbulé comme sous le vent d'un thermique. Dégueulé beaucoup plus fort en vz, et ma vitesse sol accélère.

Je comprends en quelques secondes que l'option contournement-ressortir par le col n'existe plus. Et en même temps, que faire demi-tour n'est plus une option, car perdu trop de gaz, et je risque d'être contré en faisant demi-tour. 

Pas plus d'état d'âme là-dessus, pas le temps. Analyse de la suite : va falloir poser en bas. 

 Sauf, que... pas envie. Parce que pas envie de mettre 2h à rentrer en stop pour revenir à la civilisation peut-être qu’en m'écartant je pouvais sortir de la dégueulante et même trouver un thermique mais je n’ai pas eu en tête cette option).

J'avise le champ dégagé dans le bois en contre-bas. Et finalement, je décide de poser à contre-pente, juste avant la lisière du bois, je dirai 200m sous les sapins. (cf. croix jaune).

Ca va vite, très vite. Je pose travers vent (ça dégueule toujours), dans des cailloux assez gros.

Posé propre, me fais pas mal, mais... avec le recul clairement j'aurai pu.

Cette approche n'est pas préparée, le posé encore moins. Je sentais que tout allait plus vite, et me suis adapté au fur et à mesure, mais... bon.

Tout ça pour quoi ?

Si c'était à refaire, clairement, je prends l'option sécu.

Ah, et histoire de couronner le tout : je suis remonté avec ma voile en boule sur le dos. Parce que... ce n’est pas loin. Et en fait... bah j'ai sué comme un âne, j'aurai mieux fait de plier et remonter, ça aurait été plus rapide et beaucoup plus confort.

Arrivé au sommet, j'ai compris que la brise (et/ou échange plaine-montagne ?) était largement prédominant(e), et j'ai compris ce qui s'était passé en vol.

Si thermiques il y avait en face sud, ils étaient bien plus loin.

 

Après avoir séché, j'ai redécollé pour une suite de vol sympa.

 Voici la trace du pilote :

Un peu avant cet épisode, j'étais sous la crête (en face Nord). Je
l'ai longé tout du long, n'ai rien trouvé ni à l'aller ni au retour.
Ca m'a conduit à revenir chercher un thermique au déco.

J'arrive en haut de thermique à 1690m, soit ~130m au-dessus du sommet (et donc un peu plus, car je suis dans le mini col côté Ouest du pic).




Piste de réflexion :

  • Quand c’est sud, ça vole face sud de cornu ?
  • Quand l’échange plaine montagne est établi, y a-t-il une altitude minimum pour aller sur les faces sud ?